Retour vers Articles

InfoTec.be, une stratégie mobile en question(s)

Après 9 années de service, les TEC ont enfin renouvelé leur site web avec un effet d’annonce centré principalement sur l’utilisation mobile. Pour un service qui accompagne ses clients dans leur mobilité au quotidien, l’annonce semble couler de source. Un nouveau site se doit d’être mobile.

Autant le dire d’emblée : le nouveau site des TEC nous a déçu chez Spade.

Et encore plus avec l’effet d’annonce médiatique qui nous a semblé disproportionné par rapport à la réalité du nouveau site. Un bel exploit que nous saluons (réussir à en faire un sujet à part entière dans un JP de la RTBF avec interview d’un des responsables).

Mais il faut l’avouer nous avons été plutôt surpris (et nous allons l’expliquer plus loin) par le choix des journalistes alors que tous les jours nous voyons des petits bijoux sortir de leur boîte avec un désintérêt complet des médias dits « grands publics ».

Le pitch radio se résumait en 2 accroches :

  • Les TEC n’avaient plus renouvelé leur site web depuis 2004
  • Le nouveau site des TEC intègre des fonctionnalités mobiles

Expliqué à Monsieur-Madame-tout-le-monde, on perçoit tout de suite l’effet de modernité. J’étais dans ma voiture au moment de ce journal. L’annonce a attisé  évidemment ma curiosité de geek. Au feu rouge suivant, tout en écoutant les dernières paroles de M. Stéphane Thiéry porte-parole de la SRWT, je m’en vais taper l’adresse infotec.be sur mon adoré smartphone.

Quelques secondes de chargement plus loin, j’obtiens cette page:

Homepage TEC sur mobile, illisible

Ca commençait mal. C’est totalement illisible et ma première réaction de webdesigner fût « Je ne vois pas du tout en quoi les TEC ont pensé à moi et tous mes petits camarades armés de smartphones ».

Où sont les menus « touch », les informations orientées directement sur mes préoccupations en mode mobile ?

La réponse se trouve en fait dans la suite du sujet radio : il y a deux sites : www.infotec.be et www.infotec.be/mobile (bien qu’en terme marketing c’est le domaine m.infotec.be qui est mis en avant mais c’est en fait une redirection vers cette deuxième URL qui sera donc celle que vous utiliserez réellement si vous la bookmarkez).

Deuxième réaction (toujours dans ma voiture) : pourquoi mon navigateur mobile n’a-t’il pas été détecté? J’aurai pu être redirigé en douceur sur la page mobile.

Chez Spade, nous nous étions déjà exprimé par le passé sur l’absurdité de développer deux sites distincts mais, 2 ans plus tard, l’occasion est trop belle de le rappeler dans la langue de Molière, cette fois-ci avec les arguments de notre positionnement d’agence et nos références à l’appui.

1. Un même contenu accessible à deux URLs différentes.

Qui dit deux sites dit redondance inévitable de l’information. Prenons par exemple la page consacrée à une actualité . Elle est accessible via http://www.infotec.be/minformer/actualit%C3%A9s/d%C3%A9tails.aspx?idnews=181 et  http://www.infotec.be/mobile/#actualites,detail&idnews=181

Conséquences négatives possibles pour le site web des TEC :

  • L’optimalisation sur les moteurs de recherche s’en trouvera impactée : chacune des deux pages détériorant inévitablement la force de l’autre;
  • Si Google indexe les deux adresses, il est fort probable qu’en cherchant cette info via le célèbre moteur de recherche vous tombiez sur la page mobile en surfant avec votre PC ou l’inverse;
  • Vous trouvez l’info très intéressante alors que vous êtes assis dans le métro avec votre iPhone et vous décidez de la partager sur Facebook ou Twitter. Les lecteurs de vos flux d’info sont eux évidemment dans pleins d’autres contextes et apprécieront ou pas de se retrouver sur la page mobile de l’info en question (sans même de possibilité de basculer vers la « bonne » page);
  • Les liens externes qui viendront par le partage (réseaux sociaux) ne profiteront pas vraiment au site puisque ces liens seront distribués entre les 2 urls (dilution de popularité dans le référencement SEO);
  • Il n’y a pas de balise canonical permettant d’indiquer au moteur la page à conserver dans son index.
  • Il n’y a pas de fichier robots.txt (ni de page 404 personnalisée) qui permettrait d’apporter des indications à Google sur les zones à indexer (et les zones du site à éviter). Mais attention car Google a désormais des bots mobiles et il est capable de servir des contenus mobiles aux personnes qui cherchent depuis leur mobile.

2. Plus de sites signifie plus de travail

Deux templates de mises en pages, deux hébergements, deux technologies voire deux équipes techniques pour maintenir le tout. Plus de gens à former, plus de debug à faire et donc plus de coûts pour maintenir et faire évoluer les 2 sites.

3. La perte du focus sur les préoccupations des utilisateurs

Si un membre de l’équipe de développement mobile travaille sur une adaptation du rendu pour « ses » utilisateurs  de quelle manière le fait-il en accord avec l’équipe de développement du site classique? Quelle vision unifiée y-a-t-il et en quoi cela sert-il l’intérêt de l’utilisateur final ?

Petit exemple : la navigation principale. On peut imaginer le scénario suivant. L’équipe site pour PC a choisi d’y mettre les éléments suivants :

Navigation site TEC normal

L’autre équipe pour le mobile a décidé de constituer le menu de cette manière


Navigation site TEC mobile

Une amie m’explique par téléphone qu’elle a récemment vu sur le site des TEC un job intéressant qui pourrait intéresser mon voisin. Dans la salle d’attente de mon ostéopathe, sur mon mobile, je me mets en quête de lui envoyer le lien de ce job.

Autant le dire, c’est mission impossible !

Petite liste de réflexions complémentaires :

  • Le minimum ne serait-il pas d’opérer une détection de l’appareil mobile au chargement du site classique et de me rediriger vers le bon site ? Je ne suis pas sensé savoir qu’il existe un site adapté à ma situation.
  • Et pour les tablettes, on fait quoi ? Doit-on créer un 3e site ? Ou si vous surfez avec votre tablette verticalement nous vous conseillons plutôt le site mobile et horizontalement le site classique ?
  • C’est bien connu, les utilisateurs de smartphones sont généralement exigeants (cette exigence vient de la bande passante 3G qui n’est pas toujours performante et aussi de l’habitude d’utilisation d’applications mobiles qui sont en moyenne plus ergonomiques et disposent de plus de souplesse technique par rapport à un site web qui reste dépendant du navigateur – Safari sur iPhone, Chrome sur Androïd, … ). Autant le dire l’expérience utilisateur sur le site mobile est loin d’être agréable : le menu, une fois ouvert, ne se referme pas, les mises en page des contenus ne sont que partiellement adaptés au mobile, …

site TEC Mobile : Mise en page douteuse

 Retraits, marges, tailles, interlignages, peut mieux faire…

site TEC Mobile : lien pas cliquable

Il n’y a pas moyen de cliquer sur le lien « Modifications horaires et itinéraires »  qui n’apparait qu’en forçant le scroll en bas de page (sinon il est caché par la barre bleue)

En conclusion

Nous estimons qu’imposer une dichotomie est la mauvaise approche ! Il n’y a pas soit un utilisateur mobile qui est en phase de vouloir connaître l’horaire de passage de son bus en chemin vers l’abribus soit un utilisateur confortablement assis derrière un bureau souhaitant consulter les lignes spéciales mises en place à l’occasion du festival Verdur Rock.

Aujourd’hui, ce ne sont pas deux comportements mais des dizaines de combinaisons possibles. Chaque appareil mobile a ses particularités et ses comportements d’utilisateur : avec souris, au doigt, derrière un bureau, les pieds en éventail dans un divan, coincé dans un métro ou un train en retard, devant sa télévision HD, avec ou sans clavier, du plus grand ou plus petit écran, sous la couette, devant une tablette dans une borne internet dans une gare, à 9h comme à 11h comme à 2h du matin, pour se renseigner, pour réserver, pour modifier, pour trouver rapidement une info ou au contraire passer le temps…

Ardents défenseurs du Responsive Design, chez Spade nous ne comprenons tout simplement pas les choix stratégiques qui ont poussés les TEC à se lancer dans un tel chantier.

Conseils datés ? Contraintes techniques trop ardues ? Nous aimerions comprendre les raisons de ce choix qui va à l’encontre de tout ce qu’on peut attendre de nouveau sur la toile en 2013 (et ce n’est pas moi qui le dit : The Next WebAwwwards, Creative Market, …).

Stéphane Thiéry, porte-parole de la SRWT :

« Le site mobile va permettre en se géolocalisant d’avoir les arrêts les plus proches, les horaires de passage, les lignes qui y passent et aussi les perturbations, c’est vraiment un outil qui va simplifier la vie du client« .

Le site mobile – m.infotec.be – est une réplique du site web classique mais allégée, plus facilement consultable sur un smartphone.

Source : RTBF

Cette approche est tout simplement dépassée. Et pour soutenir cette affirmation, je prendrai en référence cet article du Harvard Business Review :  The Rise of the Mobile-Only User (28 mai 2013) : 

« Ils n’ont qu’à utiliser leur ordinateur de bureau pour faire cela. »

Une des idées fausses les plus persistentes à propos des appareils mobiles c’est de penser que c’est normal de leur servir qu’une pâle copie du contenu disponible pour les ordinateurs de bureau. Les décideurs soutiennent que les les utilisateurs ont uniquement besoin de leur mobile pour effectuer des tâches rapides et qu’ils  utiliseront toujours leur ordinateur de bureau pour chercher une information plus approfondie.

Karen McGrane

Si comme nous, vous êtes sensibles à ce genre de débat, n’hésitez pas à le faire savoir. Nous maintenons une veille constante vis-à-vis d’une communication en phase avec son temps.